Conférence présentée par les camarades du Rassemblement d'Organisations Communistes Marxistes-Léninistes (ROCML) lors de la commémoration du 92ème anniversaire de la Révolution d'Octobre organisée à Bruxelles, le 28 novembre 2009, entre autres par le Bloc ML, le MLKP, le Collectif des Militants du Maroc d'Emigration d'Action et de Lutte.
92ème anniversaire de la Révolution d’Octobre

Amis et Camarades,
La destruction de l’URSS en tant que première expérience victorieuse de construction d’une société socialiste, et l’écroulement, à la suite, du camp socialiste, a porté un coup dur non seulement aux peuples de l’Union Soviétique et des démocraties populaires, mais aussi aux prolétaires et aux peuples du monde entier pour qui la grande Union des Républiques Socialistes Soviétiques était, depuis un demi siècle, la preuve vivante que la classe ouvrière est capable de conquérir le pouvoir et capable de construire une société prospère, libérée de l’exploitation capitaliste, le socialisme.
Renforcée par cette catastrophe, la bourgeoisie s’évertue, depuis, à accréditer l’idée que les travailleurs sont incapables de diriger la société et que le socialisme est impossible.
Le mouvement ouvrier lui-même, matraqué par les médias bourgeois et perverti par l’idéologie réformiste diffusée par les syndicats (CGT compris) et les partis dits de gauche (PCF compris) semble avoir relégué cette perspective, la seule pourtant qui soit porteuse de l’émancipation des travailleurs.
A un moment historique où le capitalisme affiche toute sa putréfaction et où l’alternative du socialisme est devenue nécessaire, urgente même si l’on ne veut pas que la barbarie s’installe pour longtemps, L’une des tâches politiques centrales des communistes est de s’affirmer et de combattre à contre-courant contre ce défaitisme politique et idéologique, et de démontrer et de propager l’idée que, contrairement aux prétentions de la bourgeoisie, l’URSS n’a pas disparu parce que le socialisme est impossible, MAIS PARCE QUE LA CLASSE OUVRIERE ET SON PARTI COMMUNISTE ONT ETE TRAHIS ET BATTUS PAR DES ENNEMIS DISSIMULES, MAIS ACTIFS, DANS LA DIRECTION MÊME DU PARTI ET DE L’ETAT.
Amis et camarades,
La Commune de Paris a duré deux mois. En tirant les leçons de son expérience, MARX a donné au mouvement communiste international la théorie qui a permis aux bolchéviks avec LENINE à leur tête, de prendre le pouvoir, et de le conserver.
Par sa maîtrise de l’économie politique socialiste et sa fermeté de classe dans son application, STALINE a réussi à construire le socialisme victorieux dans un quart de l’humanité, et cela dans les pires conditions extérieures qui soient et malgré une multitude d’obstacles intérieurs.
En analysant les causes qui ont permis de détruire cette œuvre immense après la disparition de STALINE, les communistes se donneront les moyens de transformer cette défaite provisoire en force idéologique et politique pour repartir plus forts à l’assaut du vieux monde.
Tel est le but de l’exposé qui suit, c’est ainsi que nous rendrons hommage à ceux qui il y a 92 ans ont ébranlé le monde.
Comment, donc, l’URSS a-t-elle pu retourner au capitalisme ?
Pour commencer, je rappellerai deux citations qui montrent que la possibilité de la restauration du capitalisme existe durant toute la période de transition du capitalisme au communisme, c’est-à-dire sous le socialisme : Dans La révolution prolétarienne et le renégat Kautsky(1928), Lénine avait déjà indiqué : «La transition du capitalisme au communisme, c’est une époque historique. Tant qu’elle n’est pas terminée (souligné par nous), les exploiteurs gardent inéluctablement l’espoir d’une restauration, espoir qui se transforme en tentative de restauration».
Staline a lui aussi mis les communistes en garde contre cette possibilité : « … cela veut dire qu’il y a, dans les rangs de notre Parti, des gens qui tentent, peut-être sans s’en rendre compte eux-mêmes, d’adapter l’œuvre de notre construction socialiste aux goûts et aux besoins de la bourgeoisie « soviétique ». La victoire de la déviation de droite signifierait le renforcement des éléments capitalistes dans notre pays. Or, que signifierait le renforcement des éléments capitalistes dans notre pays ? Cela signifierait l’affaiblissement de la dictature du prolétariat et l’accroissement des chances de restauration du capitalisme. Ainsi donc, la victoire de la déviation de droite dans notre Parti signifierait l’accroissement des conditions nécessaires à la restauration (souligné par Staline) du capitalisme dans notre pays. Existe-t-il chez nous, dans le pays des Soviets des conditions rendant possible (souligné par Staline) la restauration du capitalisme? Oui, elles existent. Cela vous paraîtra peut-être étrange, mais c’est un fait, camarades.». (Joseph Staline, Du danger de droite dans notre Parti, 1928)
MAIS COMMENT LES CHOSES SE SONT-ELLES PASSEES CONCRETEMENT ?
LE POINT DE DEPART DU PROCESSUS ANTI-SOCIALISTE DE RESTAURATION DU CAPITALISME EST LA CONTRE-REVOLUTION POLITIQUE REUSSIE PAR LA FRACTION REVISIONNISTE KHROUCHTCHEVIENNE AU XX EME CONGRES DU PCUS EN 1956
Remontons en arrière. Les citadelles, c’est connu, se prennent de l’intérieur. Depuis octobre 1917, c’est à l’intérieur du Parti communiste que les éléments hésitants ou hostiles à la marche en avant du socialisme ont agi. Tantôt dans l’ombre, tantôt ouvertement, selon les circonstances, pour avancer leurs théories visant à entraver l’édification du socialisme. Ne pouvant pas attaquer de front le socialisme et la dictature du prolétariat c’est dans la sphère de l’économie et notamment au niveau de la théorie, de l’économie politique socialiste, qu’ils ont concentré leurs activités de sape. C’est sur ce terrain, en effet que sous prétexte de prétendues « réformes » visant à améliorer le fonctionnement de l’économie, ils avaient la possibilité de déstabiliser ses bases socialistes et mobiliser les couches sociales intéressées au rétablissement des rapports sociaux capitalistes. Ainsi, dès les années qui ont suivi la victoire militaire et politique du peuple et de la classe ouvrière soviétique, c’est sur ce terrain que les ennemis conscients ou inconscients du socialisme se sont opposés à la direction du Parti bolchévik à la ligne visant à créer les conditions de la marche vers le socialisme. Les plus connus, Trotski, Boukharine, Kaménev, Zinoviev ont théorisé l’impossibilité de construire le socialisme dans un seul pays comme la Russie. Ils se sont opposés de diverses manières à la politique stalinienne de collectivisation des campagnes et à la création de la base économique du socialisme par la mise en œuvre des plans quinquennaux. Le Parti ne les a pas suivis et ils ont reçu le châtiment qu’ils méritaient.
Après la deuxième tentative manquée des puissances impérialistes pour détruire l’URSS par la deuxième guerre mondiale, c’est de nouveau sur le terrain de l’économie politique qu’à l’intérieur même de l’Union Soviétique, et à sa tête : c’est-à-dire dans le Parti et l’Etat, que les adversaires du socialisme vont s’activer, en profitant du fait que de nombreux membres du parti, et parmi les meilleurs étaient morts dans le combat patriotique contre les armées du III ème Reich. Le 5 juillet 1945, Nikolaï Voznesenski, qui était commissaire au plan d’Etat depuis 1938 proposa que l’URSS soit, pour appliquer le plan, divisé en 17 régions suivant leur spécialisation actuelle… Les économistes Marxistes-Léninistes-Stalinistes mirent cette proposition en échec. Les années suivantes, appuyé par d’autres dirigeants comme Mikoyan, Kossyguine, Rodionov, Voznesenski revint à la charge et va utiliser son pouvoir, à Leningrad, pour introduire dans la république russe un certain nombre de réformes qu’il préconisait, notamment le développement prioritaire de la production des biens de consommation, au détriment de la production des moyens de production. En janvier 1949, le groupe autour de Voznesenski s’estimant en position de force introduisit à une échelle nationale les réformes de leur chef de file et en particulier une mesure fixant les prix de gros des matières premières à leur valeur, ce qui préparait le terrain pour faire du profit et du marché le régulateur de la production. Ils eurent même l’audace d’organiser à Léningrad une foire internationale de vente en gros sans l’accord du conseil des ministres de l’URSS.
Heureusement, la réaction des marxistes-léninistes fut rapide et radicale. Le groupe de Léningrad fut jugé. Voznesenski et quatre autres furent condamnés à mort et exécutés, le 1 er octobre 1950. L’offensive des éléments révisionnistes ne va pourtant pas rester sur cet échec.
En 1951, un groupe d’économistes fut chargé par le parti d’écrire un projet d’un manuel d’économie politique, une conférence étant convoquée pour le mois de novembre de cette année. Les matériaux de cette conférence ont été communiqués à Staline qui a formulé à leur sujet un certain nombre de critiques sévères. Parallèlement, la préparation du 19 ème congrès du PCUS fait apparaître un recul de l’influence de Staline. Secrétaire général du CC depuis 1922, le camarade Staline devient simple membre du secrétariat en 1952. Lors du 19ème congrès, rompant avec une longue tradition, le rapport du CC n’est pas présenté par Staline mais par Malenkov. Staline n’intervint pas dans les débats du congrès et n’intervint que pour prononcer un bref discours de clôture. Il est vrai que, conscients du cours négatif des évènements, les marxistes-léninistes avaient décidé de frapper un grand coup contre les révisionnistes en publiant, à la veille du congrès les contributions de Staline à la discussion sur le projet de manuel d’économie politique connues sous le titre : « les problèmes économiques du socialisme ». Dans cette œuvre magistrale, le camarade Staline démolissait les théories révisionnistes de Voznesenski, de Léontiev, de Varga…et d’autres. Tous les communistes doivent étudier cet ouvrage fondamental de l’économie politique.
Le 5 mars 1953, le camarade Staline mourrait, sans doute empoisonné. 9 jours plus tard, Khrouchtchev força Malenkov à démissionner de son poste de secrétaire du CC et ce limogeage inaugura une période de remplacement des cadres à tous les niveaux du Parti et de l’Etat. Le 30 avril, Vosznesenski est réhabilité. En 1954, Varga reçoit l’Ordre de Lénine !
A partir de ce moment, la fraction révisionniste-trotskiste de Khrouchtchev a conquis une position dominante dans le Parti. C’est au XXe Congrès du PCUS que cette fraction va l’emporter définitivement. En effet, non seulement ce Congrès entérine les thèses révisionnistes, mais Khrouchtchev jugea que le moment était venu de faire un trait sur le passé glorieux de l’Union Soviétique en détruisant le symbole même de cette époque : la personnalité du camarade Staline. Sans que, il faut le dire, aucune voix n’a la courage de s’élever contre cet acte scandaleux.
Quelques mois plus tard, les camarades qui s’étaient tus lors du congrès furent à leur tour limogés : Malenkov, Molotov, Kaganovitch. Il ne restait plus alors à Khrouchtchev et à sa bande de traîtres qu’à « purger » de fond en comble le Parti pour éliminer toute forme de contestation future : quelques chiffres : Au XXe congrès, 47 % des membres du CC élus au XIXe congrès sont changés. Au XXIIème congrès, en 61, 70 % ! A la veille du XXIIème congrès, 45 % des membres des comités centraux du parti des diverses Républiques sont renouvelés. 40% des membres des conseils municipaux et départementaux. Dans ses notes souvenirs, Lazare Kaganovitch membre du Parti Bolchévik depuis 1911 et du CC depuis 1928 et limogé par monsieur K en 1957 rappelle un fait : « K. était un trotskiste en 1923-1924 ». Tous les agents de l’ennemi ne peuvent s’activer en même temps. Certains peuvent se cacher longtemps. Khrouchtchev a agi son moment venu, 30 ans plus tard. Les communistes ne doivent jamais oublier cette leçon de l’Histoire.
UNE FOIS LEUR POUVOIR POLITIQUE INSTALLE SOLIDEMENT,
LES REVISIONNISTES VONT APPLIQUER METHODIQUEMENT
LEUR PROGRAMME DE DESTRUCTION DU SOCIALISME
ET DE RESTAURATION DU CAPITALISME
EN LIQUIDANT LES PRINCIPES ET LES MECANISMES
DE L’ECONOMIE POLITIQUE SOCIALISTE
Et d’abord par l’abandon du caractère central du plan et le rétablissement du profit comme objectif des entreprises de production et d’échanges.
Sous le socialisme, les moyens de production sont la propriété de l’Etat agissant comme centre de décision de la classe ouvrière au pouvoir. Non seulement les gestionnaires des entreprises ne possèdent pas les moyens de production, mais ils ne peuvent en disposer librement. Ce ne sont pas les dirigeants d’entreprises qui décident comme dans la société capitaliste, de la qualité et de la quantité des biens qu’ils ont la responsabilité de produire. C’est le plan central qui définit, en fonction des objectifs nationaux la part que doit réaliser chaque entreprise en fonction de ses capacités de production. Les biens produits appartiennent à la société et c’est le plan d’Etat qui fixe les prix et organise leur répartition et leur distribution.
La part du surproduit destiné à développer les forces productives de l’entreprise est sous la responsabilité des organes de l’Etat, de même que la part destinée aux salaires des ouvriers et des cadres qui est elle aussi fixée par l’Etat selon le principe «A chacun selon son travail ». Lorsque le plan est dépassé, une bonification est attribuée en plus du salaire selon des critères définis également par l’Etat.
Dans un tel système il n’y a pas de possibilité pour une classe de s’enrichir en exploitant le travail d’autrui. Au pire, il ne peut exister que des filous. Certes, des inégalités continuent à exister, légalement. Tous les salaires ne sont pas égaux. Mais leur valeur n’est plus fixée comme sous le capitalisme comme le prix d’une marchandise, la force de travail mais comme l’équivalent de la quantité et de la qualité du travail fourni selon le critère de l’utilité sociale. Pour simplifier, un mineur ou un tractoriste pouvait gagner plus qu’un ingénieur.
Certes également, il ne faut pas idéaliser la réalité : certaines couches de la nomenklatura ont recherché et parfois obtenu des avantages, voire des privilèges. Mais dans l’impossibilité d’accumuler du capital et d’acheter de la force de travail, ces couches n’ont pas pu, jusqu’à la contre-révolution kroutchévienne, se transformer en classe capitaliste.
JUSQU'A LA CONTRE-REVOLUTION KHROUCHTCHEVIENNE, C’EST-A-DIRE JUSQU’AU XXe CONGRES DU PCUS.
Que s’est-il passé, en effet, après le XXe congrès sur le plan des rapports de production ?
En dépit du fait que la propriété des moyens de production ne fut pas immédiatement remise en cause, le pouvoir révisionniste a systématiquement réintroduit dans l’économie les mécanismes permettant de restaurer les rapports sociaux de production capitalistes, incluant la légalisation de l’appropriation privée de la plus-value et son accumulation au profit des couches gestionnaires de l’économie, de l’appareil d’Etat et du parti. Ce qui suscita d’ailleurs des contradictions entre la nomenklatura d’Etat et les dirigeants de l’appareil économique.
Quelles furent ces mesures fondamentales ?
La première fut l’abandon de la PLANIFICATION CENTRALISEE. Dès 1955, seulement deux ans après la mort de Staline, des économistes révisionnistes comme Liberman préconisaient dans les journaux économiques soviétiques de libérer l’économie d’une centralisation excessive et de donner une plus grande liberté aux directeurs des entreprises pour décider ce que et combien les entreprises qu’ils dirigent doivent produire.
En septembre 1965, la thèse de Liberman fut adoptée par le CC du PCUS. Les entreprises pourront légalement dès lors décider de leur propre production.
La seconde mesure fut l’introduction du profit comme objectif de la production de l’entreprise et donc le régulateur de la production.
Comme le déclarait déjà l’économiste révisionniste Leontiev dans la Pravda du 7 septembre 1955, « le profit sert de critère le plus général pour régler toute l’activité de l’entreprise ».
A partir de ces deux « réformes » fondamentales, les entreprises ne produisent déjà plus pour la société dans son ensemble, selon un plan général rationnel mais selon les méthodes de l’autogestion yougoslave, dans leur propre intérêt ou pour être plus juste, et comme nous le verrons ensuite, dans le propre intérêt des dirigeants de l’entreprise.
Ces deux réformes entraînent tous les autres mécanismes du capitalisme.
Par exemple la possibilité pour chaque entreprise d’utiliser librement ses capitaux : ce principe a été approuvé par le CC du PCUS en septembre 1965.
Ainsi, en 1965, « les prélèvements annuels de l’Etat pour l’utilisation des capitaux ont été en moyenne de 15 % de la valeur des capitaux utilisée par l’entreprise ». Le financement direct par l’Etat, sans coût, pratiqué antérieurement fait place au crédit. Dès 1976, plus de 50% des capitaux des entreprises proviennent des crédits bancaires : « actuellement chaque deuxième rouble du capital en circulation dans l’industrie vient du crédit. La part du crédit dans l’agriculture, du commerce et dans d’autres branches est encore plus élevée…. » (Kossyguine). Chacun comprendra que le remboursement des crédits dont les taux vont de 4,5 à 6% en 1967 agit directement sur la nécessité pour l’entreprise d’accroître sa rentabilité et donc son propre taux de profit.
Une nouvelle étape décisive va être franchie dans la voie de la restauration du capitalisme le 4 octobre 1965. Jusque-là, en effet, dans la propagande révisionniste, les moyens de production étaient encore présentés comme propriété du peuple. Mais les statuts de l’entreprise adoptés par le conseil des ministres de l’URSS le 4 octobre 1965 donnent à cette entreprise le droit de posséder ses propres capitaux.
Dans le n° 43 de la revue Ekonomitchkaïa gazeta, en 1965 on décrit ainsi ces nouveaux statuts :
« L’entreprise jouit du droit de propriété sur les biens dont elle a le contrôle opérationnel. Le directeur de l’entreprise peut agir en son propre nom, disposer de la propriété et des fonds de l’entreprise, procéder à l’embauche et au licenciement du personnel…Chez nous, l’équipement des entreprises en moyen de production est traité sous forme de vente et d’achat… ».
Les directeurs d’entreprises sont donc devenus, depuis ces « réformes des années 60, sinon les propriétaires légaux des moyens de production, tout au moins le responsable légal de leur utilisation. Sa responsabilité est principalement que l’entreprise réalise les profits les plus élevés par la production de marchandises dont les prix seront désormais fixés par l’entreprise de même que leur qualité et leur volume le tout étant régulé par le marché ! Avant de tirer la conclusion sur la nature de ce système économique, il reste à répondre à une question : OU VONT LES PROFITS DE L’ENTREPRISE ?
L’Etat continue à prélever une part de ces profits, comme c’est le cas, également en système capitaliste. Mais la part qui reste à la disposition de l’entreprise augmente de manière continue : 26% en 1966 ; 29% en 1967 ; 33% en 1968 ; 40% en 1969…
Quand les prélèvements de l’Etat sont opérés, le reste, qui reste dans l’entreprise est divisé en deux : les fonds d’investissements et les fonds sociaux, disons salariaux.
Un chiffre : en 1970, 78,8 % de l’investissement total venait des fonds propres des entreprises, le reste venant du crédit et des fonds exceptionnels fournis par l’Etat.
Mais venons-en à la question cruciale, celle de la répartition des fonds salariaux : les chiffres parleront d’eux-mêmes ! Le salaire d’un directeur était en 1974 jusqu’à 7,2 fois celui d’un ouvrier moyen. C’est déjà pas mal dans un pays qui se prétend encore socialiste ! Mais à cela il faut ajouter les bonifications.
Le critère principal pour la détermination du niveau des bonifications distribuées au personnel de gestion est le taux de profit réalisé par l’entreprise. On voit tout de suite qui a intérêt à quoi ! Le volume des bonifications distribuées aux ouvriers est déterminé officiellement par le directeur : « Les bonifications attribuées aux directeurs d’entreprise sont approuvées par le cadre supérieur de l’agence d’Etat supérieure, et celle attribuée à tous les autres employés par le directeur de l’entreprise »
Le résultat n’est pas surprenant : En 1966 les statistiques officielles montrent que le personnel de management a reçu 43,9 % des fonds d’intéressement, alors que les ouvriers n’en recevaient que 50,7. Mais attention : le personnel occupé dans l’industrie compte 4% de personnel de management et les ouvriers 96%. 43,9 % pour 4 % et 50,7 % pour 96 %. En moyenne, chaque membre du management a reçu presque 25 fois plus de bonification que les ouvriers. Telle est la réalité des rapports de production et de répartition introduits par les réformes au cours des années 60. Pouvait-on encore parler de socialisme ? Voire d’édification du socialisme, c’est-à-dire de progression dans la voie socialiste ? Quel est ce « socialisme » où les forces productives fonctionnent pour produire des profits ? Où une minorité de gestionnaires de l’administration d’Etat, de l’industrie, du commerce et de l’armée s’approprie individuellement ce qu’il faut appeler par son nom, c’est-à-dire la plus-value suée par les ouvriers ? Certes, avant Gorbatchev la propriété des moyens de production et d’échange était encore légalement propriété collective. Mais cette propriété collective, les réformes en avaient donné toute la jouissance à une classe de nouveaux bourgeois avides d’ en faire une machine à produire de la plus-value, c’est-à-dire une machine à exploiter, avant de pouvoir devenir directement propriétaires sous Gorbatchev et Eltsine. La contre-révolution avait alors parachevé son œuvre, Le capitalisme était restauré dans sa forme la plus classique.
POUR CONCLURE
Retenons au moins deux leçons de cette première grande expérience historique que fut la Révolution d’Octobre l’édification du socialisme durant un demi-siècle et sa destruction. La première est que la classe ouvrière peut prendre le pouvoir, diriger la société et construire victorieusement le socialisme. La seconde est que le pouvoir ouvrier peut être renversé par l’ennemi de classe. Il n’est pas indestructible, comme beaucoup d’entre nous l’ont cru. Les citadelles se prennent de l’intérieur, en détruisant ses centres vitaux. Dans une société socialiste, le centre vital c’est d’abord le Parti Communiste. C’est là que l’ennemi s’infiltre, divise, complote. Drapé dans le drapeau rouge, il fait progresser ses théories réactionnaires en s’appuyant sur les éléments instables, faibles, intéressés, carriéristes, Dans ce travail, ils sont encouragés par les couches sociales héritées de la division du travail elle-même héritée de l’ancienne société, qui craignent que tout pas en avant vers le communisme ne vienne remettre en cause leurs privilèges et qui rêvent de revenir en arrière…
La formation idéologique des communistes, leur pratique révolutionnaire, leur vigilance ininterrompue, leur courage à défendre ouvertement les principes et les idéaux du communisme dès la plus petite alerte, la mobilisation des masses dans la lutte pour la conquête du pouvoir et dans l’édification du socialisme : telles sont quelques unes des armes indispensables pour mettre en échec les attaques et les pièges que l’ennemi s’évertue sans relâche à mettre en travers de notre route.
Ainsi, la révolution bolchévique avait réussi à supprimer la classe capitaliste. Mais il restait dans la société socialiste des couches sociales qui avaient intérêt à restaurer le capitalisme. Le manque d’expérience, de vigilance, de mobilisation des communistes et des masses travailleuses les conditions objectives, aussi, leur ont permis de renverser le pouvoir des ouvriers et des paysans et de restaurer le capitalisme.
D’autres révolutions socialistes vont avoir lieu. Elles devront toutes tirer les leçons de la Commune, de la révolution d’Octobre et du socialisme soviétique.
En fait, la partie ne sera définitivement gagnée que lorsque l’impérialisme aura été mondialement vaincu, et que l’édification du socialisme aura atteint le point où les conditions objectives rendront impossibles toute idée, tout désir, et donc toute tentative de revenir en arrière.